Notion de résidence fiscale en cas d’imposition séparée

Le Conseil d’Etat[1] vient de rendre une décision importante quant à l’articulation entre les dispositions relative à la notion de résidence fiscale et celles instaurant un régime exceptionnel d’imposition séparée pour les couples mariés.

Dans cette affaire, l’administration fiscale avait redressé les époux B au motif qu’ils n’avaient pas déposé de déclaration de revenus commune.

Monsieur B exerçait l’activité professionnelle d’électricien à Jersey et Mme B habitait en France avec les enfants du couple. Monsieur B effectuait des séjours réguliers en France, notamment durant les congés hebdomadaires, et les passait dans l’habitation familiale qu’ils avaient acheté en commun. Par ailleurs, ils exerçaient ensemble l’autorité parentale sur leurs enfants.

C’est sur cette base que l’administration fiscale, suivie en ce sens par la Cour Administrative d’Appel de Nantes[2], avait considéré que M B. avait son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI ; le centre des intérêts familiaux de M B étant bien situé en France selon les critères érigés par cet article. Selon l’arrêt attaqué, M et Mme B devaient donc effectivement déposer en France une déclaration de revenus commune.

Le Conseil d’Etat casse néanmoins cet arrêt au motif que les époux avaient fait valoir qu’ils étaient mariés sous le régime de séparation de biens et qu’ils ne vivaient pas « sous le même toit » selon les dispositions du a) du 4 de l’article 6 du CGI.

En effet, cet article prévoit plusieurs cas (dont celui qui nous intéresse) où les époux mariés ou pacsés doivent exceptionnellement déposer une déclaration séparée. Nous préciserons à ce stade qu’il ne s’agit pas d’une simple option pour le contribuable ; cette règle étant impérative.

Selon nous, le Conseil d’Etat fait ici une application stricte des dispositions dérogatoires de cet article 6. Dès lors, il ressort de cet arrêt que les juges entendent opérer une distinction entre la notion de vie « sous le même toit » et la notion de « centre des intérêts familiaux » relevant de l’article 4 B du CGI ; la première notion étant objectivement plus restrictive que la seconde.

Ainsi, le Conseil d’Etat nous parait dégager une sorte de primauté de la règle dérogatoire d’imposition séparée dégagée par l’article 6 du CGI sur la définition plus générale du domicile fiscal issue de l’article 4 B du même code.

En conclusion, dès lors que des époux entrent dans les dispositions dérogatoires de l’article 6 du CGI en ce sens qu’ils sont à la fois séparés de biens, qu’ils ne vivent pas sous le même toit et que l’un des deux ne « vit » pas en France, le juge fiscal considère qu’il n’y a pas lieu d’aller vérifier si les conditions relatives au rattachement du domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI permettent tout de même de rattacher l’époux vivant à l’étranger au domicile fiscal français.

 

[1] Conseil d’Etat, 18 juillet 2018, n°409035

[2] CAA Nantes, 19 janvier 2017 ; n°15NT03652

 

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